On entend souvent à la télé, radio, ou dans les réseaux sociaux, parler de superlune, de lune du loup, du cerf, du chasseur… mais que sont ces lunes ?
La Superlune
Sommaire
La super-lune, ou superlune, n’a pas vraiment de sens scientifique en astronomie. Ce mot valise a été inventé en 1979 par un astrologue américain, Richard Nolle, qui cherchait à mettre en relation des catastrophes naturelles avec cette conjonction. Il appelle superlune « une nouvelle ou pleine lune qui se produit lorsque la Lune est à sa plus courte distance (ou à 90 % de celle-ci) de la Terre lors d’une orbite donnée (périgée). En bref, la Lune, la Terre et le Soleil sont alignés, la Lune étant au plus près de la Terre. »
En langage astronomique, une superlune est une « pleine lune au périgée ».
Qu’est-ce que le périgée ? L’orbite lunaire n’est pas un cercle parfait. Notre satellite orbite en moyenne à 384 400 km de la Terre. Mais comme la trajectoire est une ellipse, la lune se rapproche à 356 410 km au périgée et s’éloigne à 406 740 km à l’apogée.

Est-elle vraiment plus grosse ? Pas beaucoup plus. Le diamètre apparent de la lune dans son orbite autour de la Terre oscille entre 33’30’’ et 29’20’’ pour une moyenne de 31’25’’, soit de 13% (ou +/-6.5% autour de la moyenne). Ce n’est pas assez pour qu’on s’en rende compte à l’œil nu.

Est-elle plus lumineuse ? Oui, mais pas tant que ça. C’est vrai qu’elle est plus proche de la Terre et en apparence un peu plus grosse, mais l’écart de magnitude par rapport à une pleine lune normale n’est que de l’ordre de 0.3, ce que nos yeux ne peuvent pas distinguer.
Est-ce un événement rare ? Non, pas du tout ! Il y en a entre 3 et 5 par an (en moyenne 4 ans 1/4) et de toutes façons, superlune ou pas, vous ne verrez pas la différence dans le ciel !
Voir pouvez voir la liste des superlunes sur le site de Fred Espenak.
Ne croivez donc pas les racontars des réseaux sociaux qui vous annoncent un événement hyper rare avec une superlune exceptionnellement grande !
Les noms des lunaisons
La Lune, visible de toute part sur notre planète, a servi de repère pour marquer le temps depuis que les humains ont levé les yeux au ciel. Ainsi de nombreux peuples ont mesuré le temps sur les phases lunaires. Les grecs anciens calaient leur calendrier sur la Lune, tout comme les babyloniens, assyriens, hébreux, les chinois, les arabes… Chaque période commençait par l’observation concrète de la nouvelle Lune, jamais de la pleine lune.

Il était plus pratique de nommer chaque lunaison pour mieux se repérer dans le temps, en les associant aux labeurs, aux saisons ou aux phénomènes naturels récurrents à chaque période de l’année.
Dans la culture des amérindiens
Les indiens d’Amérique nommaient les périodes à partir des nouvelles lunes. Les années commençaient après l’équinoxe du printemps avec la nouvelle Lune de Mars. À cause du décalage entre les années solaires et les mois lunaires, ils comptaient 30 lunes, puis en inséraient une 31ième qu’ils appelaient la Lune perdue, et recommençaient ensuite la numération. Les premiers colons américains ont largement contribué à la diffusion des noms des lunaisons donnés par les natifs américains.

Les noms des lunaisons sont décrits dans le livre Travels through the Interior Parts of North America, in the years 1766, 1767, and 1768 du Cpt. Jonathan Carver. Chaque lunaison a un nom qui varie d’une tribu à l’autre. Carver a proposé la liste suivante, bien que la correspondance avec nos mois soit approximative car dépendante de l’observation d’événements naturels :
- Janvier : lune de glace
- Février : lune de neige
- Mars : lune des vers
- Avril : lune des plantes
- Mai : lune des fleurs
- Juin : lune de la chaleur
- Juillet : lune du cerf
- Août : lune de l’esturgeon
- Septembre : lune des moissons (ou du maïs)
- Octobre : lune de la migration
- Novembre : lune du castor
- Décembre : lune du chasseur
Toutes les tribus n’utilisaient pas les mêmes dénominations. Le Old Farmer’s Almanac en liste plein d’autres. Cela laisse beaucoup de possibilités pour dénommer une lune, par exemple rien qu’en janvier : lune de l’oie bernache (chez les Indiens Tlingit), lune centrale (Indiens Assiniboine), lune froide, de givre ou grande lune (Cree), lune de gel (Algonquin), lune de l’esprit (Ojibwe)…
Dans d’autres cultures
Les indiens d’Amérique n’ont pas été les seuls. Avant eux, les assyriens, babyloniens, hindous, hébreux, arabes, etc. nommaient leurs mois en fonction de l’apparition de la nouvelle lune.
Au Pays basque par exemple, Jean Pierre Darrigol donne cette liste dans sa Dissertation critique et apologétique sur la langue basque, en 1815 :
- Janvier : lune de l’année, ou lune du froid
- Février : lune du loup
- Mars : lune de la taille
- Avril : lune du sarclage
- Mai : lune des feuilles
- Juin : lune brulante
- Juillet : lune de la moisson
- Août : lune tarie
- Septembre : lune de la fougère, ou lune du labour
- Octobre : lune des eaux ou des pluies
- Novembre : lune des semailles
- Décembre : lune du repos
Chez les Tatares, Johann Gottlieb Georgi dans sa Description De Toutes Les Nations De L’Empire De Russie les lunaisons – Les nations tatares établies, en 1776, liste les noms :
- Janvier : courte lune
- Février : lune aux vents
- Mars : lune de la fin d’hiver
- Avril : lune de l’écureuil rayé
- Mai : lune de la charrue
- Juin : lune aux racines
- Juillet : lune de propreté
- Août : lune de l’été
- Septembre : lune du battage (des blés)
- Octobre : (non décrite)
- Novembre : lune des vieilles femmes
- Décembre : grande lune
La liste (autoproclamée) officielle
Le Old Farmer’s Almanac a édité une liste des lunes, autoproclamée « liste officielle ». C’est cette liste qui a la faveur des journalistes, astrologues et influenceurs de tous poils :
- Janvier : lune du loup
- Février : lune de neige
- Mars : lune des vers
- Avril : lune rose
- Mai : lune des fleurs
- Juin : lune des fraises
- Juillet : lune du cerf
- Août : lune de l’esturgeon
- Septembre : lune des moissons (ou du maïs) *
- Octobre : lune du chasseur *
- Novembre : lune du castor
- Décembre : lune froide
* la lune des moissons suit ou précède directement l’équinoxe d’automne et se trouve donc généralement en septembre. Il arrive qu’elle se lève en octobre, dans ce cas la lune de septembre prend le nom de lune de maïs. Évidemment la lune du castor devient la lune du chasseur (vu que le chasseur a dégommé le castor).

Attention, il s’agissait à l’origine des noms donnés aux lunaisons à partir de la nouvelle lune et non pas des noms des pleines lunes. Donc si une pleine lune avait lieu, par exemple le 2 mars, cela voulait dire que la nouvelle lune de sa lunaison avait eu lieu en février et la pleine lune du 2 mars s’appelait « Pleine lune des neiges » et non pas « Pleine lune des vers ». Mais la mode étant aux Pleines lunes – et au moindre effort mental – les éditeurs de l’almanac l’ont simplement appliqué aux pleines lunes… Ainsi la Pleine lune du 2 mars s’appelle désormais « Pleine lune des vers »…
Quelques noms particuliers
Pleine lune des moissons (ou des vendanges, du labour)
Quand la lune est pleine aux alentours de l’équinoxe d’automne, vers le 21 septembre, elle se lève à peu près quand le Soleil se couche, et se couche à peu près quand le Soleil se lève. Sa clarté prolonge alors naturellement la lumière du jour. Cette illumination coïncide aussi avec le moment où le maïs devait être récolté chez les amérindiens, d’où le nom qu’il lui ont donné, repris ensuite par les fermiers américains.

On trouve une mention de cette Lune des moissons (Harvest moon) et de la Lune du chasseur (Hunter’s moon) dans le livre Astronomy Explained Upon Sir Isaac Newton’s Principles, par James Fergusson, en 1673 :

Mais en Europe, pas de maïs avant que sa culture ne se répande au 17ième et surtout au 18ième siècles, cependant c’est le mois où le raisin est vendangé et la terre labourée avant d’être réensemencée. On trouve donc souvent référence à une Lune des vendages, ou Lune du labour.
L’association entre la lune de l’équinoxe d’automne et cette période de culture est donc très partagée.
Pleine lune du chasseur
Dans la tradition américaine, surtout héritée des amérindiens, la Lune du chasseur est celle qui suit la Lune des moissons, car en octobre, les paysans avaient fini les récoltes et se consacraient alors à la chasse avant l’hiver.
Pleine lune bleue
Elle n’a aucun rapport avec la couleur de la lune !

Ce terme fait référence à une 13ième pleine lune dans l’année, alors qu’il y en a en général 12. On distingue deux types de lunes bleues.
- Pleine lune bleue du mois – Quand il y a deux pleines lunes dans le même mois, on attribue à la seconde la couleur bleue. Ce n’est pas un événement rare, il se produit environ tous les 2 ans et 9 mois. Cette interprétation a été inventée par James Hugh Pruett dans un article de la revue américaine Sky & Telescope en 1946, l’auteur de l’article ayant improprement interprété la Lune bleue décrite dans l’Almanach du fermier. C’est cette interprétation qui a malgré tout la faveur de la NASA dans ses éphémérides.
- Pleine lune bleue de la saison – Normalement les saisons durent 3 mois et ont donc 3 pleines lunes, mais il arrive qu’elles en aient 4. On attribue alors à la troisième la couleur bleue. L’événement arrive avec la même fréquence que la Pleine lune bleue du mois. C’est cette interprétation qui a la faveur du Old Farmer’s Almanac, elle avait été utilisée dans un autre almanac, le Maine’s Farmers’ Almanac depuis 1937. Cette insertion permet d’aligner les noms des mois lunaires avec les saisons.
La lune n’est jamais bleue, sauf en de rares occasions, quand des poussières volcaniques ou des fumées d’incendies sont présentes en quantité dans l’atmosphère. La taille des particules doit pour cela être assez uniforme avec un diamètre moyen de l’ordre de 1 à 1,5 microns. Elles absorbent alors beaucoup la lumière rouge, laissant ainsi passer préférentiellement le bleu. L’explication est complexe et les curieux pourront lire ce papier de Nellie Wullenweber et. al. C’est en particulier ce qui est arrivé après l’éruption du Krakatau les 26-27 août 1883, le Soleil et la Lune sont apparus bleus (et même parfois verts) progressivement du 2 au 10 septembre un peu partout dans l’hémisphère nord.
Notons que le terme Lune Bleue n’a strictement rien à voir avec l’expression populaire anglaise once in a blue moon dont des équivalents en français seraient quand les poules auront des dents, remettre aux calendes grecques, à la St Glinglin, etc. On trouve l’expression blue moon dans le dictionnaire d’argot du livre Life in St. George’s fields, de J. Burrowes, publié en 1821 : Blue moon = a long time (trad. Une longue période).
Nouvelle lune noire
C’est l’équivalent de la Pleine lune bleue, mais pour la Nouvelle lune. Cette couleur est donnée à la seconde nouvelle lune quand il y en a 2 dans le même mois. Cet événement a la même fréquence que la Pleine lune bleue. Il semble que ce terme, compris dans ce sens, ait été inventé en 2016 dans un article américain, par extension d’après la Lune bleue.

On retrouve cependant, comme pour la lune bleue, diverses lunes noires :
- lorsqu’il n’y a pas de nouvelle lune dans un mois, ce qui ne peut arriver qu’en février, certans disent qu’il s’agit d’un mois de lune noire,
- lorsqu’il y a 4 nouvelles lunes dans une saison, au lieu de 3 habituellement, la 3ième est alors une lune noire.
- nom donné dans certaines cultures pour la nouvelle lune,
- nom donné à la lune qui vient masquer le Soleil pendant une éclipse.
Le chef indien sioux nommé Lune noire a participé à la bataille de Little Big Horn en 1876, il était né au moment d’une nouvelle lune.
Pleine lune de sang (ou rouge, cuivrée, rousse)
C’est la couleur attribuée à la lune quand elle est éclipsée par la Terre. La lumière qui vient du Soleil est filtrée par l’atmosphère terrestre et seules passent les longueurs d’ondes rouges, d’où la couleur brun-rouge que prend la Lune à ce moment.

C’est aussi le moment préféré des créatures de la nuit.
Vous êtes prévenus !
Lune du Cheshire
Visible des zones tropicales, ce nom est donné lorsque le croissant de lune forme un bol, les pointes dirigées vers le haut, comme le sourire du chat du Cheshire. Lewis Caroll, auteur d’Alice au Pays des merveilles, a appelé ainsi le chat dont le sourire énigmatique prend la forme d’un tel croissant lunaire.

Cependant, l’expression populaire sourire comme un chat du Cheshire date d’avant le livre de Lewis Caroll, puisqu’on la retrouve dans de nombreux ouvrages dès 1788, comme ici dans A Classical Dictionary of the Vulgar Tongue, de Francis Grose :

L’origine de cette expression viendrait de la marque d’un fabricant de fromages du Cheshire, qui apposait une étiquette montrant un chat avec un large sourire.
La Superlune Bleue…
…ou de toute autre couleur, indique la conjugaison d’une Superlune avec un nom traditionnel (bleue, noire, esturgeon…). La plus communément rencontrée dans les réseaux sociaux est la bleue. La conjugaison de ces phénomènes est très irrégulière, et elle n’est pas rare du tout ! Elle se reproduit en moyenne tous les 5-6 ans pour le XXIème siècle (en fait l’intervalle s’étend de 2 mois à 13,5 ans). Et comme il y a deux définitions différentes pour la Lune bleue, on a une démultiplication des dates possibles :
Maine’s Farmer’s Almanac | Sky & Telescope ephemeris |
19/08/2005 18/02/2011 21/08/2013 19/08/2024 21/08/2032 18/05/2038 22/08/2040 22/08/2051 18/05/2057 23/08/2059 20/05/2065 21/05/2073 20/05/2084 20/11/2086 | 31/07/2004 31/12/2009 31/07/2015 31/01/2018 31/08/2023 31/01/2037 31/03/2037 31/08/2042 30/09/2050 31/03/2056 30/09/2069 30/04/2075 31/10/2077 31/05/2083 31/10/2096 |
La Superlune bleue du 31 août 2023 n’est pas une Lune bleue selon l’Almanach, mais c’en est une selon Sky & Telescope (ou la NASA). La Superlune bleue suivante aura lieu le 19 août 2024 selon la définition de l’Almanach, ou le 31 janvier 2037, selon la définition Sky & Telescope.
On remarque qu’il n’y a aucune date commune entre les deux définitions, ce qui dédouble le nombre d’événements pour les amateurs de Superlunes bleues puisqu’ils peuvent utiliser la définition qui leur convient. Par exemple, en matière de Lune bleue qui suit celle du 31/08/2023, CNews utilise à sa convenance la définition de Sky & Telescope (31/01/2037) ou celle de l’Almanach (19/08/2024) :

Conclusion
Tout cela, c’est sans compter les noms exotiques et fantaisistes qui ont été inventés par des journalistes, influenceurs et astrologues en mal de buzz…
Il ne faut retenir qu’une chose, à l’exception de la Pleine lune des moissons (ou des vendages, labours…) qui semble commune à de nombreuses cultures, tous les noms donnés à la Lune n’ont aucune définition officielle. Les noms dépendent de traditions culturelles diverses (et je suis loin d’avoir cité toutes les variantes) ou ont été inventés de toutes pièces.