Qu’est-ce qu’un trou noir ?

Les trous noirs sont des objets mystérieux. Ils absorbent tout, même la lumière ne peut s’en échapper, et pourtant certains sont parmi les objets les plus lumineux de l’Univers… C’est paradoxal, non ?

Un peu d’histoire

Quand Isaac Newton a imaginé la théorie de la gravitation à la fin du 18ème siècle, les savants de l’époque se sont demandé si des objets pouvaient être assez massifs pour attirer la lumière. John Michell, un savant britannique en parle à la Royal Society dès 1783. Puis en 1796, c’est le mathématicien français Pierre-Simon de Laplace qui fait la même remarque :

Exposition du système du monde. Tome 2, Pierre-Simon Laplace, à Paris, Imprimerie du Cercle-Social. An IV de la République française

On ne parle pas encore de trou noir, mais le concept est né même si personne n’y prête vraiment garde.

Leur existence démontrée

Albert Einstein publie en 1915 une évolution majeure de la théorie de la gravitation, c’est la théorie de la relativité générale. Aussitôt l’allemand Karl Schwartzschild en déduit un objet céleste purement théorique, où le champ gravitationnel deviendrait infini même si Einstein et d’autres scientifiques s’opposent à cette singularité de Schwartzschild. Ce sont les travaux de Georges Lemaître en 1938, puis David Finkelstein en 1958 et Roy Kerr en 1963 qui affirment l’existence – théorique – de cet astre occlus. Le terme de Trou Noir est utilisé pour la première fois par John Wheeler lors d’une conférence en 1967.

Le premier candidat

Le premier candidat trous noir est découvert en 1971, c’est Cygnus X-1.

Gallo, E., Fender, R., Kaiser, C. et al. A dark jet dominates the power output of the stellar black hole Cygnus X-1. Nature 436, 819–821 (2005).
https://doi.org/10.1038/nature03879

On ne peut pas observer un trou noir à proprement parler, mais les trajectoires des étoiles à proximité permettent de déduire la masse du corps autour duquel elles gravitent.

Si ce corps dépasse la masse critique dite d’Oppenheimer-Volfkof et est invisible, alors c’est un trou noir. Les trous noirs, lorsqu’ils ont de la matière à manger, expulsent dans leur axe de rotation des jets de particules relativistes (qui vont à une vitesse de plus de 0,25 fois la vitesse de la lumière). On en observe ainsi au cœur de nombreuses galaxies.

NASA, ESA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA); Acknowledgment: P. Cote (Herzberg Institute of Astrophysics) and E. Baltz (Stanford University)

La première simulation

Le français Jean Pierre Luminet fait une analyse manuelle des propriétés de la mécanique relativiste au voisinage d’un trou noir ce qui lui permet, sans ordinateur d’obtenir la première simulation d’un trou noir, tel qu’on pourrait l’observer si on pouvait s’en approcher assez. C’était en 1979.

Les ondes gravitationnelles

Les trous noirs peuvent aussi graviter l’un autour de l’autre, comme deux étoiles. Et s’ils s’approchent trop, ils peuvent d’un coup collapser l’un sur l’autre pour ne former plus qu’un seul trou noir. Cet effondrement libère une quantité phénoménale d’énergie et va distordre l’espace temps en propageant des ondes gravitationnelles. Cette propriété était démontrée mathématiquement depuis longtemps, mais il a fallut attendre 2015 pour les observer et confirmer la théorie. Ce sont les détecteurs Virgo (en Italie) et Ligo (aux USA) qui ont fait cette première détection, nommée GW150914.

Properties of the Binary Black Hole Merger GW150914B. P. Abbott et al. (LIGO Scientific Collaboration and Virgo Collaboration), PRL116, 241102 (2016),
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.116.241102

La première observation directe

Jusqu’à ce moment, aucun trou noir n’avait été observé directement. Mais c’était sans compter sur la pugnacité des astronomes ! La première image directe d’un trou noir a été faite avec le Event Horizon Telescope. Il s’agit d’un ensemble de radio télescopes disséminés en Europe, Antarctique, Hawaï, Amérique du Sud et Amérique du Nord dont le diamètre équivalent correspond à un télescope de la taille de la Terre.

Les antennes ont capté des signaux radio en provenance de la galaxie M87 entre le 5 et 11 avril 2017. Les données acquises occupaient 5 pétaoctets ! Impossible de les transférer par internet, c’est donc en avion que des centaines de disques durs remplis des précieuses données ont été transportés jusqu’aux observatoires Haystack du MIT et de radioastronomie du Max Plant Institut. Il faudra ensuite plus de 1 an de calculs … astronomiques … pour arriver à la première image d’un trou noir :

First M87 Event Horizon Telescope Results, The Event Horizon Telescope Collaboration, Astrophysical Journal Letters, 875:L1(17pp), 2019 April 10
https://doi.org/10.3847/2041-8213/ab0ec7

Bon, ce n’est pas vraiment le trou noir, puisque celui-ci est invisible. Ce qu’on distingue, ce sont les traces qu’il laisse en échauffant la matière qui tombe ou gravite autour de lui. Le centre noir est malgré tout l’ombre qu’il laisse.

Finalement, qu’est-ce qu’un trou noir ?

Un trou noir est une concentration de masse (ou d’énergie, c’est pareil, grâce à e=m c^2) qui s’est effondrée gravitationnellement sous sa propre force d’attraction et qui est devenue si compacte qu’aucune information ne peut s’en échapper. Par information, on entend toute particule ou onde issues du trou noir qui pourrait permettre de savoir ce qui s’y trouve ou son origine. Bref, rien ne s’en échappe (même si Stephen Hawkins a démontré qu’il s’évaporait, son évaporation est très faible et ne contient plus aucune information sur son origine).


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