Derrière ce terme barbare se cachent les mots Dark, Offset et Flat et ils servent à améliorer les images en retirant une partie des artéfacts parasites, comme le vignettage, les traces de poussières ou des luminescences internes. Cet article présente une façon de prendre ces photos et explique à quoi elles servent.
Petite précision sans importance : Ce terme vient de l’anglais mais n’est utilisé que par les francophones. Chez les anglosaxons, ça veut dire Depth of Field, ou profondeur de champs et ça n’a rien à voir avec notre sujet. On lui préfèrera le terme Master images.
Mises à jour
- 26/01/2021 : refonte de l’article, simplification des propos
Les darks
Sommaire
Comment les prendre ?
Les darks sont des photos prises dans le noir complet, avec le même temps de pose et le même réglage ISO que les photos (appelées brutes) de l’objet que l’on photographie. On les prend en général à la fin de la session photo, après avoir pris les flats, en laissant l’appareil photo prendre ses photos tout seul, à l’abri de l’humidité mais dans les mêmes conditions de température que pendant les prises de vues.
Comme je prends mes photos avec une installation ultra nomade (Star Adventurer Mini), je ne désire pas attendre toute la nuit que les darks se prennent. Alors je rentre chez moi une fois les brutes, flats et darks de flat pris, puis je pose l’appareil photo sur un coin de la terrasse avec une batterie chargée à bloc, bien protégé contre l’humidité, la lumière extérieure, et je le laisse prendre ses darks tout seul pendant que je dors, jusqu’à ce que la batterie soit vide. S’il y a un écart de température entre les brutes et les darks, et bien tant pis, je fais confiance aux algorithmes de réjection des logiciels et au dithering pour combattre les imperfections résiduelles !
À quoi servent-ils ?
Les darks ne retirent aucun bruit ! Ils permettent de retirer un signal thermique qui est proportionnel au temps de pose et double quand la température augmente d’environ 6°C. Ils retirent aussi d’autres défauts inhérents à certains capteurs, comme la luminescence (ou ampglow chez les gibies).
Combien en prendre ?
On doit en prendre un certain nombre qui dépend de la façon dont on a pris les brutes :
- Si on utilise un capteur refroidi avec un niveau très faible de signal thermique : une poignée suffit, voire aucune si le capteur est vraiment performant ;
- Si on a fait du dithering entre chaque pose : entre 10 et 20
- Si on a fait du dithering toutes les quelques poses (pas plus de 5) : entre 20 et 30
- Si on ne fait pas de dithering du tout : idéalement 3 fois plus que de poses unitaires, ce qui est difficilement réalisable avec un appareil photo, en faire donc autant que possible, mais au moins une 30aine.
L’optimisation des darks
Les logiciels de traitement d’image sérieux, comme Siril, PixInsight… permettent ce qu’on appelle l’optimisation ou la normalisation des darks. L’optimisation permet d’ajuster les darks entre eux quand la température n’est pas contrôlée, ce qui est le cas des appareils photo. On peut ainsi se passer de refaire des darks quand la température n’a pas varié de +/- 5°C entre les sessions. La contrepartie est qu’il est dans ce cas obligatoire de faire des offsets, voir plus bas.
Mais cette technique est en passe de devenir caduque car depuis quelques années, les capteurs CMOS des appareils photos et caméras astro, ainsi que les logiciels astro, permettent de simplifier le processus en se passant des offsets. Il n’y a plus qu’avec les matériels anciens (avant 2015 environ) et les caméras CCD non régulées que l’optimisation des darks continu d’avoir un effet notable.
Le master-dark
Le master-dark est calculé avec les logiciels spécialisés à partir :
- avec un ancien appareil photo (en général avant 2015) ou une caméra CCD : des darks et du master-offset pour faire l’optimisation des darks ;
- avec un appareil photo moderne (2015+) ou une caméra CMOS, qu’elle soit régulée ou non : des darks uniquement, sans les optimiser.
Comme il n’y a pas de règle spécifique, le mieux est d’essayer une fois avec les deux types de traitement et de voir, selon votre appareil photo ou caméra, lequel des deux traitements donne les meilleurs résultats.
Il est ensuite soustrait aux brutes avant de les empiler.
Peut-on s’en passer ?
Il est difficile de s’en passer si on n’a pas un capteur refroidi très performant.
Les offsets
Comment les prendre ?
Les offsets sont des photos prises dans le noir complet avec un temps d’exposition le plus court possible, à même réglage ISO que les brutes.
À quoi servent-ils ?
Chez les anglais, ils s’appellent Bias.
Les offsets ne retirent aucun bruit ! Ils permettent de retirer le signal d’offset aussi appelé biais, un décalage que les fabricants mettent dans les valeurs retournées par les pixels. Par exemple, sur un Canon 6D, un pixel vraiment noir n’aura pas la valeur 0 mais la valeur 2047. D’autres variations constantes existent d’une zone à l’autre du capteur, comme des gradients, des zones plus claires ou sombres, des bandes… Des bruits se superposent à ces décalages (bruit de lecture, bruit de bandes…).
L’utilisation des offsets est de moins en moins nécessaire avec les matériels et logiciels modernes conjugués à la technique de dithering.
Ils sont utiles pour les anciens boitiers qui souffraient de beaucoup de défaut d’homogénéité comme on peut le voir sur cette image qui montre des offsets d’un Canon 1000D à 100 et 800 ISO. On constate des bandes verticales très marquées, un gradient qui va en s’éclaircissant de gauche à droite et aussi une zone plus brillante en bas à droite.
Combien en prendre ?
Il en faut beaucoup. Par exemple, avec mon Canon 1000D afin d’avoir le même bruit qu’un master offset fait avec 10 offsets à 100 ISO, il fallait que j’en empile environ 30 à 200 ISO, 130 à 400 ISO, et en extrapolant parce que je n’en ai jamais pris autant, 600 à 800 ISO et 2500 à 1600 ISO… (masters offsets faits avec Iris). En pratique une centaine convient dans la plupart des cas. Heureusement, la méthode moderne avec les « darks-flat-darks de flats » permet de se passer des offsets dans la plupart des cas.
Vous pouvez les conserver longtemps, pas la peine de les reprendre à chaque fois. Sur mon 1000D je n’ai pas constaté d’évolution notable des offsets sur 5 ans d’utilisation.
Les offsets de certains capteurs de caméras astro, surtout les anciennes CCD, peuvent être sensibles à la température. Dans ce cas uniquement, il faudra s’assurer qu’ils sont pris dans les mêmes conditions de température que les brutes.
Le master-offset
Le master-offset est calculé par votre logiciel préféré. Il est ensuite soustrait aux darks et aux flats avant leur traitement pour faire les master-dark et master-flat, puis aux brutes avant de les empiler.
Peut-on s’en passer ?
Lorsqu’ils sont nécessaires, la facilité de leur acquisition fait qu’il est peu justifié de s’en passer.
Les flats
Comment les prendre ?
Les flats sont des photos d’une surface uniformément éclairée. La sensibilité sera réglée à 100 ISO et il faut absolument ajuster le temps de pose pour qu’aucune partie de la photo ne soit surexposée. Visez un histogramme entre 1/2 et 2/3 à droite.
Vous pouvez par exemple photographier le ciel en fin de soirée ou début de matinée (mais ce n’est pas évident à faire, surtout avec une courte focale), un écran de tablette, d’ordinateur ou en utilisant une « boite à flat ». Il est quasi impossible de faire des flats avec un objectif grand angle (plus de 100° de champs). Plusieurs solutions sont présentées sur une page dédiée de la SAH.
En pratique, si vous utilisez un appareil photo, réglez la sensibilité à 100 ISO et placez la molette en priorité ouverture (Av ou A selon la marque). L’appareil photo ajustera automatiquement le temps de pose.
Si vous utilisez un écran à LEDs ou un écran de tablette/ordinateur, évitez les temps de pose trop courts sinon vous verrez la trame de rafraichissement des LEDs ou de l’écran. Il est ainsi préférable de ne pas descendre sous 1/5 s (0,2 s). Si votre écran est trop lumineux, passez à 50 ISO ou moins si le boitier le permet, ou trouvez un moyen de baisser l’intensité de l’éclairage. Au pire, placez une feuille légèrement opaque devant.
Évitez aussi les temps de pose trop long pour que le signal thermique ne vienne pas polluer le flat, mais ce n’est pas facile à respecter quand on utilise des filtres à bande étroite. Si vous dépassez quelques secondes, vous devrez faire des dark de flats.
Si vous utilisez un objectif photo, ne changez pas son ouverture pour faire les flats, cela changerait le vignettage.
À quoi servent-ils ?
Les flats, qu’on peut aussi appeler « plage de lumière uniforme » (ou PLU), servent à corriger 3 choses :
- Le vignettage de l’optique ;
- Les poussières, rayures, traces sur le chemin optique ;
- La non-uniformité de la réponse des photo sites (ou Photo Response Non-Uniformity, PRNU).
On voit que cela dépend de la chaine optique ainsi que d’intrus dont la position peut varier d’une session à l’autre. C’est pourquoi on doit refaire les flats à chaque sortie.
Combien en prendre ?
Pas besoin d’en prendre beaucoup. Si votre écran à flat est bien fait, 1 ou 2 photos suffisent. S’il n’est pas si uniforme que ça, il est préférable d’en prendre une 10aine en pivotant l’écran un peu entre chaque pose, ça étalera les défauts de l’écran.
Le master-flat
Le master-flat est calculé par votre logiciel préféré à partir des flats et soit du master offset soit du master-dark-flat. Il est ensuite appliqué aux brutes pour retirer certains défauts de l’image.
Peut-on s’en passer ?
Oui, mais il faudra corriger le vignettage et les traces des poussières, rayures, etc. à la main. Prendre des flats permet vraiment une nette amélioration de la qualité des images. C’est la technique la plus importante avec le dithering pour améliorer les photos. L’alternative est d’appliquer les corrections automatiques de vignettage des logiciels de traitement d’image, comme Lightroom, Photoshop, DxO… mais il faudra toujours nettoyer les traces de poussières à la main.
Voici à quoi ressemble la même image avec et sans flats, directement sortie de fonderie. On se rend immédiatement compte du vignettage énorme qu’il faudra corriger en post traitement si on n’applique pas de flat.
Les dark de flats
Comment les prendre ?
Les dark de flats sont des photos prises dans le noir complet avec les mêmes paramètres que les flats, donc même temps de pose et même ISO (ou gain). En pratique, il suffit de retirer l’écran ou la boite à flat, de mettre le bouchon du télescope ou de l’objectif et de reprendre une série de photo sans toucher aux réglages de l’appareil photo.
Attention toutefois, si vous étiez en mode priorité ouverture pour les flats, passez en mode manuel avec les mêmes temps de pose/ISO, sinon le mode automatique va faire des choses bizarres !
À quoi servent-ils ?
Les darks de flats, aussi appelés dark-flats ou flats-darks, se substituent maintenant de plus en plus souvent aux offsets. On les prend :
- avec les capteurs CMOS modernes des appareils photos de 2015 et après, ou la plupart des caméras astro CMOS ;
- quand le temps de pose des flats dépasse quelques secondes, typiquement plus de 5 secondes mais ça dépend du capteur, le signal thermique a alors le temps de s’y superposer. C’est parfois le cas quand on utilise des filtres à bande étroite.
Ils servent à prétraiter les flats, et uniquement eux.
Combien en prendre ?
Comme on est à bas gain ou ISO, le niveau de bruit dans les flats est largement inférieur au signal. Quelques darks de flats suffisent (1 à 2).
Le master-dark-flat
Il sera calculé avec votre logiciel préféré, comme un master-dark, mais sans appliquer d’optimisation et sans lui soustraire de master-offset. Ce master-dark-flat sera ensuite soustrait aux flats avant le calcul du master-flat (il se substitue au master-offset).
Il ne faut pas le soustraire des brutes.
Peut-on s’en passer ?
Ce n’est pas une série d’images compliquée à prendre. Il est donc préférable de ne pas l’oublier quand elle s’avère nécessaire.
La chaîne de calibration des brutes
La calibration des brutes n’enlève pas de bruit ! Au contraire, elle en rajoute… Par contre elle retire des images brutes des artéfacts difficile à retirer après empilement.
On a désormais 2 chaînes de calibration possibles :
Méthode moderne
Elle répond à la majorité des cas avec les appareils photo et caméras astro à capteur CMOS. C’est aussi celle désormais implémentée dans les scripts de Siril.
On prendra des darks, flats et darks de flats.
- préparer un master dark sans optimiser les darks ;
- préparer un master dark de flat, sans optimisation ;
- soustraire le master dark de flat aux flats ;
- préparer le master flat avec les flats prétraités ;
- soustraire le master dark aux brutes, puis diviser les brutes prétraitées par le master flat.
Une alternative est de remplacer le master dark de flat par un offset synthétique ne contenant que le niveau de biais du capteur. Par exemple ce niveau est de 256 pour le Canon 1000D et de 2048 sur le Canon 6D. Il faut tenter l’expérience car parfois, le résultat sera un peu meilleur.
Méthode classique
Elle est à utiliser avec les anciens boitiers photo (d’avant 2015 environ) et certaines caméras astro, surtout les CCD.
On prendra des darks, offsets, flats et éventuellement darks de flats.
- préparer le master offset ;
- soustraire le master offset aux darks ;
- préparer le master dark avec les darks prétraités et en activant l’optimisation des darks ;
- soit le temps de pose des flats est court
- soustraire le master offset aux flats
- soit le temps de pose des flats est suffisamment long pour qu’ils soient impactés par le signal thermique (grosso modo > quelques secondes) :
- préparer le master dark de flat avec les dark de flats, pas besoin d’optimiser ;
- soustraire le master dark de flat aux flats ;
- préparer le master flat avec les flats prétraités ;
- soustraire les master offset et master dark aux brutes, avec optimisation des darks, puis diviser les brutes prétraitées par le master flat.
La luminescence (ou ampglow)
Ce terme vient de la technologie des CCD pour désigner la « luminescence des amplificateurs » (amplifier glow). Aujourd’hui il désigne toute forme d’illumination sur l’image provoquée par l’électronique de la caméra elle-même, à l’exclusion des sources extérieures. Cela dit, les termes « glow » ou « luminescence » seuls sont plus adaptés et on en distingue :
- la luminescence causée par l’échauffement d’un composant, elle apparait sous la forme d’une ou plusieurs zones diffuses sur l’image ;
- et celle causée par une émission dans le proche infra-rouge d’un composant, elle apparait sous la forme d’un reflet provenant d’un bord, souvent avec une structure nette (comme une aigrette d’étoile, ou un voile aux contours régulier).
Les luminescences s’observent surtout avec les caméras spécialisées dont le signal thermique est très faible car ces caméras sont généralement refroidies. Les appareils photos y sont moins sensibles, notamment car ils ne sont pas refroidis, le signal thermique est alors prépondérant, mais on peut tout de même le constater sur des poses très longues (par exemple de plus de 10 minutes) ou quand il fait vraiment très froid.